Libre ! Je suis libre ! [Libre]

*François marchait tranquillement, sans se poser de questions, près du bassin d'Apollon. Quel étrange sensation de se sentir libre. A vrai dire, il restait aux aguets, au cas où son cousin ne retourne sa veste et c'était franchement très plausible. Cependant, ils avaient un accord, et si le monarque ne le respectait pas, il en subirait les conséquences. François en avait bien averti ses proches. Il marchait donc, mettant un pied devant l'autre, ne se souciant de rien. Il croisait quelques courtisans qui échangeaient des regards étonnés. La nouvelle de sa libération n'avait pas du se répandre aussi vite que celle de son arrestation. C'était évident.
Il réflechissait tout en marchant. Les temps avaient bien changés depuis son mariage. C'était toujours aussi froid entre Camilla et lui, Isabelle et Joseph avaient disparus, tout comme Anna. Esther aussi avait changé. Il était peut-être temps de s'occuper de son mariage à elle, non ? Est-ce qu'elle était trop jeune ? François n'aimait pas qu'on impose les mariages mais là il était obligé, c'était sa fille. Il ne pouvait pas la laisser épouser n'importe qui. Et dans quelques années, elle serait ridicule. Lui, c'était un homme, c'était différent. Bref, tout se compliquait un peu. Il y avait beaucoup de choses à penser...*

* Hortense passait plus de temps dans les jardins que n'importe où à Versailles, et un des seuls recoins qu'elle n'avait pas encore exploré était le Bassin d'Appolon.
Quand elle y fut arriver, elle monta sur le bord et se mit à marcher autour, comme font les enfants dès qu'ils voient un muret. Fredonnant comme à son habitude, la jeune femme mettait délicatement un pied devant l'autre pour ne pas tomber dans le bassin. Levant la tête, elle remarqua que des courtisans murmuraient en regardant un homme passer.
Curieuse, elle sauta du bord du Bassin et marcha d'un pas sautillant vers l'homme. *

- Vous devez avoir fait une grosse bêtise pour qu'on fasse une tête pareille en vous voyant passer.

* Elle sourit joyeusement mais savais bien que ce n'était pas comme ça qu'elle aurait dût parler à un homme qui avait très visiblement un certain rang. Mais après tout, qu'on l'apprécie ou qu'on ne l'apprécie pas, Hortense ne comptait changer pour personne, pour son prince charmant peut être, mais elle n'en était pas encore là.
Tout de même un peu gênée face à ce qu'elle venait de dire, elle tenta de se rattraper en se présentant bien dans les formes : *

- Excusez ma curiosité. Je suis Hortense Mancini, enchantée Messire.

*Perdu dans ses pensées, François ne vit pas la jeune femme qui s'était dirigé directement vers elle. Il sursauta légèrement en relevant la tête et la voyant si près. C'était une magnifique jeune fille, qui devait être à peine plus âgé que sa fille. Elle avait le charme de la jeunesse et celui de l'Italie. François esquissa un sourire : il savait très bien qui elle était. Encore une Mancini, une nièce de ce Mazarin... Ce fichu cardinal qui l'avait lui aussi, fichu en prison. Entre Vincennes et la Bastille, François ne savait pas où est ce qu'il serait envoyé par la suite. Il retira son chapeau et fit une petite révérence face à la jeune femme tout en riant de ce qu'elle venait de dire.*

- Mademoiselle Mancini, croyez-moi, il vaudrait mieux que jamais vous ne sachiez tout ce que j'ai pu faire.

* Il attrapa sa main et la baisa. François était un gentlemen et comptait le restait. Il avait un immense respect pour les femmes, surtout les jolies femmes. Il avait évidemment juré de ne jamais tromper, à nouveau, sa chère épouse, et avait promis de se retenir. Cependant, rien ne lui empêchait d'être charmant et de plaire aux femmes.*

-François de Vendôme, Duc de Beaufort, pour vous servir

* Hortense sourit et fit une révérence quand il lui baisa la main. Le rouge lui était légèrement monté aux joues comme chaque fois qu'on lui montrait des attentions auxquelles elle n'était pas habitué.
Toujours souriante, sa curiosité l'emporta et elle demanda : *

- Si vous êtes là pour me servir, servez moi en me racontant tout ce que vous avez bien put faire !

* Elle rigola, sachant que ce qu'elle disait ne se faisait vraiment pas devant un Duc mais elle était habituée et les gens n'avaient qu'à s'habituer eux aussi à la jeune folle, puérile et infantile qu'elle était. *

- Allez, parlez en confiance, plus rien ne me choque !

*François était certain qu'il allait la brusquer. Au fond, il s'en fichait mais que dirait le Roi ? Il fallait peut-être le préserver un peu ce vieux monarque ? Déjà qu'il avait du fil à retordre avec son cousin, si en plus François se mettait à raconter avec fierté les évènements, il prendrait directement son ticket pour l'échafaud. Il n'allait surtout pas mourir sans descendance. Il fallait absolument que Camilla lui donne un fils sinon il mourrait avec son nom et son titre. Non ! Il fallait que les Beaufort fassent encore des leurs pendant longtemps.
Il esquissa un sourire, tendant son bras à la jeune femme et commença à marcher doucement.*

- Avez-vous entendu parler de la Fronde, Mademoiselle Mancini ?

*La Fronde, ça par contre, il pouvait s'en vanter. Il était fier de ce qu'il avait fait et le Roi en était resté traumatisé. Ce petit prince n'avait que quatre ans à l'époque et François, dans toute sa jeunesse, en riait encore.*

* Hortense sourit quand, après quelques instants d'hésitation, le Duc accepta en lui tendant son bras. Elle le prit en souriant et marcha à ses côtes en souriant. *

- Je sais qu'une fronde est une arme, comme un lance pierre. Mais je n'ai pas entendu parle de La Fronde, pas encore du moins.

* Elle sourit en le regardant, avant de reposer son regard sur le chemin devant eux pour l'écouter. *

*Elle n'avait jamais entendu parler de la Fronde ? Evidemment, elle devait être trop jeune et trop italienne pour comprendre. François esquissa un sourire et commença un récit, un peu à la manière dont il racontait des histoires à sa fille, lorsqu'elle était encore enfant.*

- Il y a quelques années, quelques princes dont je fais partie, avant décider de nous rebeller pour lutter contres les injustices. Nous ne trouvions pas normal que votre oncle, le cardinal, prenne le pouvoir avec la Reine Mère Anne d'Autriche. Eux deux avaient le pouvoir et dirigeaient le Roi à leur guise. Vous pensez bien que le Roi souverain était bien trop jeune pour comprendre cela. Et puis, le peuple mourrait de faim et la misère touchait même les villes les plus riches du Pays. Nous les avons mené aux portes du Louvre pour virer le Cardinal. Ce que nous avons réussi à faire, jusqu'à ce que le Roi décide, pour nous calmer, de le ramener en France, et vous et vos soeurs dans ses bagages. Imaginez bien que nous n'étions pas très content de le revoir.

*Bon, pas terrible sa version...*

-Enfin, c'est bien plus compliqué que cela

* Hortense s'étonna légèrement, son oncle n'était peut être pas l'image idyllique qu'elle en avait. Pour elle, Mazarin avait toujours eut une tendresse de père. Et elle l'avait toujours vue comme telle, ses parents avaient été absents si souvent et lui, toujours là pour elle...
Après un moment, il dit : *

- Ne voyez pas en lui qu'un homme de guerre s'il vous plait. Je me doute que pour vous c'est dur de voir autre chose mais il était un père pour moi. Et ils n'ont pas "pris" le pouvoir, ils l'ont reçu et l'ont assumés. Mal si vous le dites, mais ils ne l'ont pas volés.
Enfin, finalement c'est vous qui vous y connaissez et je ne dis que ce que j'ai entendu...

* Elle était rêveuse, et le bras du Duc la consolait alors qu'elle se sentait au fond d'elle un peu déçue par celui qu'elle voyait comme un père et qui en quelques jours avaient été rabattu par sa soeur et par le Duc à présent à un égoïste avide de pouvoir. *

*Un père ? Pauvre Hortense, elle ne risquait pas de se faire des amis si elle continuait de défendre son oncle avec ferveur. Peu de gens l'appréciait ici, tout le monde le détestait et voulait sa mort. Et d'ailleurs, c'était bien mieux comme ça. François soupira, légèrement agacé que quelqu'un prenne la défense de cette ordure.*

- Sa Majesté Anne d'Autriche ne s'est sans doute pas entouré des bonnes personnes pour diriger la France le temps que son fils puisse apprendre à devenir un Roi souverain, mais votre Oncle a su la piéger. Il ressemblait à l'ancien supposé amant de la Reine Mère et il s'en est servi. On dit qu'il n'y avait pas qu'une simple amitié entre eux et votre Cardinal a pris le dessus sur la Reine. Elle faisait tout ce qu'il lui conseillait.

* Hortense sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle détourna la tête car elle avait dit au Duc que plus rien ne la choquait. Ca pourtant avait réussi à prendre le dessus sur la jeune fille et elle sentit son estomac se nouer. Venait elle réellement de perdre un père, en quelques secondes de conversation avec cet inconnu ?

Son coeur battait la chamade et elle prit quelques secondes pour se rendre compte qu'elle s'appuyait de plus en plus sur le bras du Duc. En effet, sa tête tournait et son teint déjà pâle était devenu blafard.
En se redressant, inspirant profondément, elle se calma doucement et effaça de l'index ses larmes. Elle avait toujours été la petite fille, l'innocente et la naïve. A la cour, elle croyait que ce serait différent. Mais non, elle restait fidèle à elle même avec ce surplus d'émotion.

Tout à coup elle sentit une goutte sur son épaule puis plusieurs et enfin une fine pluie commença a tomber. Elle leva la tête en retrouvant le sourire, la pluie raffraichissant son visage. *

*François sentit la pression de la main d'Hortense sur son bras. Il comprit bien qu'il l'avait choqué mais c'était tant pis pour elle. Elle l'avait voulu, c'est elle qui avait posé des questions. Et puis, il fallait mieux qu'elle sache la vérité sur cet homme.
Il s'apprêta à parler lorsqu'il commença doucement à pleuvoir*

-Nous devrions rentrer

* Hortense rit doucement. *

- Oui, nous devrions !

* Malgré cela, elle se mit à danser sous la pluie. Elle lacha ses cheveux qui retombèrent de part et d'autre de ses épaules. Elle voulait penser a autre chose, le temps de la pluie qui fait disparaitre ses idées noires. Prenant la main du Duc, elle tourna sur elle même en souriant. *

- Sauf que je ne fais jamais ce que je devrais faire !

*François fut bien étonnée de l'attitude de la jeune courtisane. Il était vrai qu'elle était très jeune, pour lui en tout cas, et qu'elle n'avait pas à se soucier de son image, mais bon, à ce point ? Elle se mit donc à tournoyez sous la pluie fine et glaciale en ce début d'automne. Elle n'avait pas envie de rentrer pour profiter de la pluie. Encore plus étonnant qu'elle lâche ainsi ses cheveux. Resté de marbre, François répondit.*

- Il ne faudrait pas que vous attrapiez quelque chose

- Est ce la tendresse que mon oncle a eut pour moi qui vous rend soudain si froid envers moi ?

* Hortense s'approcha de lui en souriant, la pluie tombant de plus en plus en fort. Quand elle fut nez a nez avec lui, elle sourit à nouveau. *

- Vous avez peur que j'attrape quelque chose ? A part un rhume je ne vois pas ce que je pourrais attraper et je vous avouerai qu'un rhume est le cadet de mes soucis. Vous n'aimez pas la pluie Messire le Duc ?

* Elle s'écarta a nouveau de lui et passa ses mains dans ses cheveux en souriant, regardant le ciel gris pâle. *

*Il détestait la pluie pire que tout, lui il préférait la chaleur de l'été et la beauté de la nature au printemps. A la limite, la neige ne lui déplaisait pas tant que ça mais la pluie... c'était vicieux. Froid, dangereux, troublant. On ne pouvait rien faire sous la pluie. Et puis, tellement dangereux ... On se croyait invincible mais la pluie pouvait vous donner la mort. François le savait bien. La mère d'Esther était morte un jour de pluie, alors il détestait la pluie.*

- Je ne suis pas froid avec vous, mademoiselle Mancini, et je préfère vous prévenir des risques de la pluie. Sachez qu'un rhume est bien désagréable et bien laid lorsqu'il est porté par une jeune femme. Et en effet, je déteste la pluie.

* Hortense se montra compréhensive et, prenant le bras du Duc, courut se mettre à l'abris en rigolant. Elle adorait la pluie mais ne voulait pas tenir l'homme dans la pluie s'il détestait ça.
Une fois dans le hall, la jeune femme sourit en se regardant d'un air désolé. Elle était vraiment pitoyable comme ça. *

- Vous devez me trouvez ridicule, non ? Soyez franc.

*Franc ? C'était un bien grand mot. Personne n'était franc à la Cour de France, personne ne pouvait l'être. François essayait d'être le plus possible aussi honnête, mais cela lui avait clairement causé du soucis. Pourtant, c'était un adjectif qui lui allait bien : François le Franc. Un peu ridicule, mais sympathique. Être franc devant elle ? Non, il l'avait été quelques minutes auparavant, et ça l'avait blessé. Il n'était franc avec personne, de toute façon.
Il entra avec elle dans le hall, retirant sa veste qu'il donna à un valet pour la faire sécher. Il n'allait pas rentrer dans son hôtel particulier dans cet état.*

- Je ne vous trouve pas ridicule, mademoiselle Mancini, seulement naïve. La naïveté est une qualité que l'on supporte chez les jeunes gens, mais vous n'en faites plus partie à présent, non ?

- Je suis désolée de vous annoncer que naïve ou pas, on me supportera avec mes qualités et mes défauts. Je ne compte pas changer de si tôt et, aussi étrange que cela puisse paraître, il y a des gens qui m'apprécient pour qui je suis et pas pour de quoi j'ai l'air ou ce que je devrais devenir.

* Hortense sourit, toujours trempée. *

- Depuis tout a l'heure vous me jugez. Vous ne me trouvez pas que naïve mais vous désapprouvez aussi le fait que je défende mon oncle, que je détache mes cheveux, que j'aime la pluie. Ne pourriez vous pas juste voir que je vous apprécie malgré tous mes défauts ?

* Elle garda le silence après avoir dit ça et laissa retomber ses bras le long de son corps. *

- Je suppose que je devrais aller me changer...

*François resta de marbre, impassible aux paroles d'Hortense. Pour qui se prenait-elle ? Savait-elle à qui elle s'adressait ? Elle risquait de causer des problèmes si elle continuait de garder ses manières idiotes de courtisanes italiennes. Il soupira d'un air lassé avant de répondre.*

- Vous n'êtes plus en Italie, Mademoiselle Mancini, et vous verrez bien vite que la Cour de France n'est pas n'importe quoi. On ne peut ici être comme l'on le voudrait, c'est une question d'étiquette. Vous ne la respectez pas ? C'est votre choix mais ne venez pas pleurer lorsque vous serez humiliée par les dames de la Cour ou congédiée poliment par Sa Majesté le Roi. Croyez bien que si vous déplaisez à la marquise de Montespan, votre séjour ici sera de courte durée et la marquise est bien difficile.

*Il suivit ses bras des yeux avant de remonter son regard sur le visage de la jeune fille.*

- Je vous le conseille, si vous ne souhaitez pas attraper la mort

* Hortense serra les dents, elle n'avait rien à répondre à cela. Elle commençait tout juste à se faire des amis, elle n'avait pas envie de partir.
Elle rattacha ses cheveux et, le visage luisant de quelques larmes, fit une profonde révérence. *

- Bien Messire le Duc de Beaufort. Je ferai selon vos conseils.

* Silencieuse, elle se retourna et s'éloigna mais se mit après quelques secondes à courir.
Elle n'avait rien fait de mal ! Ils n'avaient pas le droit de la traiter ainsi. C'était cruel et elle se sentait bien plus humiliée par le Duc que si deux milles dames de la cour l'avaient humiliées. *

*François poussa un léger soupire avant de la regarder partir. Elle était faible, fragile et sensible. En somme, tout ce qu'il ne fallait pas à la Cour de France. Pauvre enfant. Elle allait se faire écraser par les grandes marquises et autres courtisanes de la Cour. Mais bon, elle verrait bien qu'elle avait tord et elle s'en voudra, plus tard, de ne pas avoir écouté le Duc.
François s'en alla dans un salons discuter avec quelques courtisanes puis reprit le chemin de son chez lui lorsque la pluie cessa. Sa veste n'avait pas eu le temps de sécher alors il la laissa au château. Elle ne lui était pas si importante...*

[Topic terminé ?]

[Vi je crois ]