M.Lullly ...

*Cela faisait bien longtemps que Louis n'avait eu de nouvelles fraîches de son "compositeur de musique instrumentale " et cela l'amenait à se poser quelques questions sur l'état de vie de Lully, était il en proie au mal de la feuille blanche ? Avait il trouvé d'autres occupations plus intéressantes ? Cela serait fort regrettable puisqu'il était sans dire que le Grand Roi appréciait tout particulièrement celui qui mettait un point d'honneur à "mettre la personne du roi en valeur au travers de sa musique et ses mises en scène". Pas un courtisan n'ignorait que la musique et la danse étaient pour leur souverain un "moyen de façonner une image magnifiée de lui-même et d'asseoir son autorité". Certes il y avait Molière, excellent dramaturge, qui a fixé le modèle de la comédie classique mais il est impossible de comparer les deux hommes sans se méprendre puisque là où le premier diverti, l'autre honore...
Ceci étant dit, le Roi prit alors l'initiative de faire demander le dircteur des Petits Violons lui même, afin de le questionner ouvertement. Pour cela, l'athmosphère du salon serait parfaite.
C'est là qu'il l'attendait, impatiemment, son empressement tout juste apaisé par le souvenir du Ballet de la Nuit, qui demeurait bien vivant dans son esprit...*

Cela faisait plusieurs jours déjà que Lully était accaparé par divers soucis de diverses origines, le principal étant (si on peut toutefois nommer ceci un souci) la naissance récente de son premier enfant, Catherine-Madeleine. Imaginez en conséquence la joie de son trentenaire de père, jusqu'alors sans héritier, lorsqu'il apprit la nouvelle ! Malheureusement cela n'impliquait pas vraiment que du bonheur pour le nouveau père, mais aussi quelques désagréments. Pour commencer, il lui fallait maintenant adopter un mode de vie un peu plus sérieux, un peu plus rangé. Il ne pouvait pas se permettre de ne pas travailler sous prétexte qu'il n'en avait pas envie, il ne pouvait pas non plus décemment s'autoriser à jouer du clavecin en pleine nuit de crainte de réveiller l'enfant. Il n'était pas du tout aisé d'être père de famille, et cela, le compositeur venait de le découvrir. Mais, comme qui dirait étant donné qu'il n'avait pas trop le choix, il faisait un effort monstrueux pour s'adapter : il composait davantage, entre deux éveils en sursaut (dûs aux pleurs de la petite) ou deux autres soucis d'un acabit bien différent. Son épouse étant encore épuisée de son accouchement, il avait en outre à gérer une partie de la maisonnée, et en d'autres termes la vie qu'il menait n'était pas des plus faciles tous les jours. Et il s'en fallait de peu qu'il n'en oublie le principal terme de son travail : la musique pour le Roy !

Aussi avait-il été convoqué par une certaine missive... adressée bien entendu par le Roy. A la vue de la lettre cachetée du sceau royal, Lully n'avait pu s'empêcher de déglutir avec appréhension. Tout cela ne lui disait absolument rien qui vaille... Mais au moins, son prétexte tenait la route. C'était déjà un bon point en sa faveur, n'est-ce pas ? Dès la réception de la lettre, il s'était préparé en toute hâte et toute vitesse vers sa chambre, s'était changé en faveur d'une tenue bien plus convenable que les simples vêtements d'intérieur qu'il portait jusqu'alors. Sa tenue de Surintendant. En vingt minutes, le compositeur était prêt et sautait à cheval (inutile de partir en carrosse, faire atteler prenait bien trop de temps à ses yeux pour pareille foutaise) en direction de Versailles. Il se précipita, une fois arrivé (après une demi-heure de chevauchée) bien entendu, en direction du salon dans lequel Sa Majesté l'attendait. On le fit rapidement entrer, après l'avoir annoncé. Le Surintendant n'en menait littéralement pas large... mais tâchait de n'en rien montrer. Après tout, ce n'était pas comme s'il courait un grand risque de disgrâce, si ? Et puis, le souverain l'appréciait tant... il lui passerait bien une frasque supplémentaire, surtout pour ces raisons là. C'était donc en tâchant de s'auto-rassurer que Lully plongea dans les trois révérences prescrites par l'Etiquette, alors qu'il s'avançait vers Sa Majesté.

- Sire, vous m'avéz fait démander ? [note : je tâche de reproduire l'accent italien de notre Lully ^^ donc ne t'étonne pas des étranges é et ou fréquents dans les paroles.]

HJ : oooh mais l’ambiance y est jusque dans les accents !!! fort bien 

DJ

*Louis était nonchalamment assis dans le grand fauteuil qui trônait juste à côté de la fenêtre, mais il n’avait guère l’esprit contemplatif ce jour, il était plutôt perdu dans des pensées celles-ci préoccupées par différentes actualités telles que la récente liberté donnée au Duc de Beaufort, la réapparition soudaine de son premier amour, et cette révolte du peuple qui couvait, les déboires d’un de ces ministres… il y avait matière à porter réflexion ! Il n’avait donc point vu les minutes s’égrener pour le rapprocher de la venue de Monsieur Lully. Lorsque le valet l’annonça, le Roi fut agréablement surpris de n’avoir que peu attendu. Il le vit entrer quelque peu essoufflé, mais habillé avec soin (quelles étaient donc ces mauvaises langues qui le disaient brisé par le départ de ses muses qui s’en étaient allées voir ailleurs, ayant perdu tout repère du jour et de la nuit et abandonné par l’envie de prendre soin de sa propre personne ? Affreuses calomnies ! il n’en était rien, son compositeur, malgré un regard fatigué, ne semblait n’avoir rien perdu de son bon goût et de son inqualifiable « prestance ».) En effet, un lien tour particulier le rattachait à ce musicien doué et entreprenant, sa présence en elle même était déjà une composition unique…
Il le laissa s’avancer vers lui en silence, souriant discrètement de le voir respecter à la lettre le salut qu’imposait l’étiquette… Oui il était des moments simples comme celui-ci pendant lequel le Roi savourait simplement sa place, et au plaisir de ce qu’il s’évertuait à mettre en place…
Après avoir congédié le valet d’un geste de la main tout juste perceptible pour un œil mal avisé, il se leva et s’empressa de répondre à son « ami » : d’ailleurs sa question le fit à nouveau sourire furtivement : comme cet accent chantant, cette intonation dépaysante lui avaient manqué !

-Monsieur Lully ! Vous voici enfin ! Approchez un peu ! … Quittez moi cette mine soucieuse ! … Je n’ai rien à vous reprocher si ce n’est votre trop longue absence et ce silence inexpliqué….

*Les courtisans murmuraient que les murs avaient des oreilles, et que tout se savait : le « tout » venait peut-être ici de connaître son exception ? En effet, il semblerait que la grande nouvelle qu’est la naissance d’un enfant, ne soit pas parvenue à celui qui pourtant ne doit rien ignorer de ceux qui le côtoient tout le jour…Le souverain était alors, et cela était compréhensible, impatient de voir sa lanterne s’éclairer*

Le compositeur était plus que stupéfait (intérieurement seulement, extérieurement, il tâchait de ne pas trop laisser paraître de ses émotions, bien que son physique à l'italienne et son corps naturellement expressif ne cessâssent de le trahir) de voir que le roi n'était pas au courant des faits qui venaient d'illuminer sa vie. Lully était père de famille après un an de mariage, et le roi l'ignorait ?! Voilà qui était vraiment surprenant, mais qui en quelque sorte ne pouvait que rassurer le compositeur. Au moins, il ne pourrait lui reprocher son absence en raison de sa paternité, ni même exiger de lui une présence continue en dépit de sa nouvelle existence de père de famille ! Et cela rassurait grandement Lully, qui, comme je l'ai déjà dit, avait bien des choses à faire en cette période quelque peu troublée dans son existence, au point d'en négliger quelque peu cette musique qu'il adorait, pourtant.

Néanmoins, cela l'inquiétait queqlue peu sur sa notoriété, chose qui lui importait énormément aussi (ce qui d'ailleurs est bien compréhensible pour un compositeur ayant entre les mains des postes si convoités) : s'il était parvenu à avoir un enfant sans que personne ne le remarque suffisamment pour le signaler au roi, c'est qu'il n'était pas du tout célèbre... Et celà était vraiment très problématique pour un homme qui veillait d'aussi près à sa renommée mondiale ! Un doute fugitif traversa les traits de Lully, les crispant, les tordant, et le compositeur retrouva sa mimique ordinaire, un fin sourire amusé étirant des lèvres trop charnues et trop rouges dans un visage noiraud. Les grands yeux noirs brillaient encore, mais leur lueur était, et cela était compréhensible encore une fois, bien plus inquiète. Ce n'était pas le moment de perdre sa "réputazione", bien au contraire, maintenant qu'il avait une famille entière à nourrir, à savoir son épouse et leur première née, qui se portait bien et dont Lully ne supporterait pas le décès.

Le compositeur releva vers le roi un visage qui voulait en quelque sorte avoir retrouvé sa superbe et tout son panache. Son sourire était celui des jours ordinaires, celui des jours heureux car la joie faisait partie intégrante du quotidien du compositeur. Il aurait bien pu devenir celui des jours extraordinaires de bonheur euphorique si la crainte, toujours présente, de se faire réprimander pour son trop long silence n'était pas présente avec autant d'insistance. Depuis quelques secondes déjà, Lully avait compris que tenter de la chasser serait une tentative bien vaine. Il tâchait dès lors de s'en accomoder de son mieux, mais les conséquences de cette réalité demeuraient bel et bien tangibles. Après une grande inspiration, il se lança dans ses explications... Confuses, évidemment, de par l'émotion et les difficultés que le compositeur éprouvait depuis toujours avec la langue française, mais avec un peu de chance, on le comprendrait ?

- Sire, vous mé voyez navré dé cé long silence. Per tout vous dire, jé souis désormais père dé famille... E jé dois prendre soin dé mon enfant e dé mon épouse, cé qui mé fait abandonner les mouses [muses] per la mia donna. Mi dispiace... (je suis désolé).

Dire qu'il ne s'attendait pas à cette réaction serait un superbe euphémisme. Voir les traits du roi se durcir, son visage se contracter, ses sourcils se froncer pour mieux attiser la flamme brûlante de ses obsidiennes ; alors qu'il aurait dû au contraire se détendre davantage et le féliciter de cette naissance... Voilà qui n'était guère commun ! Pour la première fois peut-être depuis leur première rencontre, dix ans auparavant, Lully ne comprenait pas l'attitude du roi. Lui qui avait toujours été aussi clair qu'un livre ouvert et écrit en italien (ce qui est bien plus facile qu'un livre écrit en français aux yeux de notre cher Lully), se montrait tout d'un coup totalement incompréhensible. Lui-même n'était-il pas père de famille, déjà ? Bien sûr que si, il avait déjà eu un fils, le dauphin Louis de France ; et une fille morte l'année précédente ! Il devait... en quelque sorte connaître ça ! Enfin, c'était ce qu'en pensait Lully.

Les paroles du roi, néanmoins, vinrent éclaircir une situation qu'il commençait à entrevoir. Cette colère... Cette rage contenue... Cet égoïsme latent... Ce fauteuil qui valse... Et puis cette question ! Posée sur ce ton froid, glacial même, polaire... Mais que lui reprochait-il donc ? D'avoir eu un enfant ? De s'être occupé de sa femme pendant quelques jours seulement, alors qu'il était commun de voir des domestiques en tous genres s'absenter fréquemment ? Il le prenait pour un imbécile, ou quoi ? Non parce que là, ça commençait un tout petit peu à l'inquiéter et à l'agacer. Il était sans cesse serviable, toujours présent aux côtés du roi, et parce qu'il avait eu le bonheur d'avoir un enfant, cela posait problème à Sa Majesté ? Lully ne comptait pas se laisser faire d'une manière aussi stupide, et songeait bien à défendre sa place. Il avait été nommé Surintendant l'an passé, ce n'était pas pour perdre cette charge aujourd'hui même ! Le compositeur regarda alors le roi bien en face, comme il le faisait lorsque la colère pointait. Il savait qu'il pouvait se le permettre s'il avait à se justifier, et son côté fier de Florentin ne s'était pas encore laissé dompter par la cour de France, quoique l'on ait essayé à plusieurs reprises de le calmer.

- Non, Sire, jé né démissionne pas, et jé compose et composérai encore per Votré Majesté... SI du moins Votré Majesté veut encore dé moi. Sire, l'expérience dé la paternité est per me nouvelle, et jé dois avouer avoir eu du mal à concilier ma musique et ma vie dé famille. Ma jé vais m'efforcer les joures à vénire dé contenter Votré Majesté comme à l'ordinaire.

Le compositeur se laissa tomber à genoux aux pieds de son souverain. Il n'allait pas lui faire ça, si ? Pas à lui, qui de tous temps et en toutes circonstances, depuis son arrivée à Paris jusqu'à maintenant, lui avait été d'une loyauté et d'une fidélité absolues ; pas à lui qui chaque jour de son existence s'était efforcé de complaire au souverain en exauçant ses moindres désirs musicaux, dansant avec lui et l'aidant dans les ballets, composant la musique qu'il désirait entendre, contribuant sans cesse au prestige musical de la France en formant sa bande d'instrumentistes, les Petits Violons, dont le roi était si content ? Lully espérait de tout coeur que non, qu'il obtiendrait la clémence de son roi pour ces quelques jours d'absence... Quelques jours... qu'était-ce dans une vie toute entière dédiée à la gloire du roi de France qu'il avait connu enfant ? Il ne pouvait qu'espérer la grâce souveraine, mais au fond de lui, ne pouvait s'empêcher de douter fortement. Et ses capacités ? Et ses mérites ? Le roi en tiendrait-il seulement compte ? Les yeux de Lully reflétaient sa peur, une supplication muette : ne me renvoyez pas en Italie, Sire, tout... mais pas ça. Il tenait sincèrement à son poste et espérait tout aussi sincèrement que son roi tenait à sa présence à la cour.

- Dé grâce, Sire...

Le reste était sous-entendu.

hj: Topic fini ?

hj : je pense pas, non.... (en même temps tu sais bien que je mets toujours des plombes à répondre XD)

hj non non pas terminé, c'est à moi de répondre... et c'est moi qui traine ... Mais que fait le Roy ?!